J'avais écrit le début de ce si beau verset 16 du chapitre 3 de Saint Jean sur une petite carte, juste après le dimanche des Rameaux 2004 pendant lequel c'était déroulé, comme chaque année, le pélerinage des étudiants à Chartres. Cette phrase m'avait frappé, et, si je ne me rappelle plus l'air du chant qui me l'avait mise dans l'oreille, je n'en ai pas oublié le sens. Cette carte, avec cette phrase frappée du Coeur de Jésus englobant le monde, tous les deux couronnés d'épines, je l'avais donnée à chacun des membres de la Maison Saint Jean-Baptiste avec qui je partageais mon année de discernement avant d'entrer au séminaire.
Cela m'a frappé, à l'intronisation quelques temps plus tard de Monseigneur Vingt-Trois comme archevêque de Paris, qu'il ait lui-même pris comme devise épiscopale : "Dieu a tant aimé le monde..."

Ce matin, comme tous les mercredis matins, je suis allé passer deux heures avec des jeunes de seconde, et je crois que j'ai compris quelque chose de ce que ce Coeur couronné d'épines, qui a tant aimé le monde et qui l'aime tant encore aujourd'hui, a pu ressentir durant sa vie terrestre. Le Christ est ressuscité, il ne souffre plus, mais nous sommes appelés à vivre avec lui cette souffrance de le voir si peu aimé. C'est lui qui nous appelle à la partager, cette souffrance de l'amour incompris et rejeté. Plus beau encore : alors même que nous sommes bien pécheurs, et qu'ainsi nous contribuons à ses souffrances sur la croix, au même moment, il nous demande de nous unir toujours plus à son amour pour nous et pour nos frères les hommes.
Qui comprendra cette souffrance du coeur qui aime et qui souffre de voir ses frères se perdre ? Je ne dis pas que mes jeunes se perdent, je n'en sais rien, mais quelle souffrance profonde que de les voir se fiche éperdument de ce pour quoi, de celui pour qui je donne ma vie ! Oh, ce n'est pas pour moi que je souffre quand ils m'envoient à travers la figure qu'ils s'en foutent de mon Dieu, non, c'est pour eux. Et je veux bien continuer, si cela peut contribuer à mon salut et au leur, ce que je crois.
Ce matin, j'ai osé le leur dire. J'ai osé leur dire que je prie pour eux chaque matin, que leurs prénoms sont tous dans mon bréviaire, j'ai osé leur exprimer mon désarroi devant leur attitude, non seulement devant la foi et devant Dieu, mais aussi devant leurs études. Ne comprennent-ils donc pas que les jours qu'ils vivent maintenant conditionnent pour beaucoup leurs études de demain, leur boulot d'après-demain, leur famille de bientôt et leur vie entière ? Que chaque jour passé dans cette attitude de je-m'en-foutisme profond est un jour perdu ? Que chaque jour passé sans Dieu est un jour perdu ?
Le pire, dans l'histoire, c'est que je ne suis pas meilleur qu'eux...

Oh, Seigneur, viens au secours de notre faiblesse, viens à notre secours, nous qui perdons tant du temps que tu nous donnes, loin de toi, loin de notre devoir d'état...
Coeur Sacré de Jésus, j'ai confiance en vous...