Après quelques jours en paroisse, les derniers avant de dire au revoir aux paroissiens qui m'ont accueilli pendant les quelques semaines que j'ai passées parmi eux durant les deux dernières années, le premier grand temps fort de cet été a été une Bible sur le terrain (BST pour les intimes) durant trois semaines en juillet. Le principe de ce voyage en Terre Sainte est avant tout de lire la Bible sur les lieux où les événements relatés ont eu lieu, dans la mesure où on le sait et où c'est possible d'y aller. Si tout le monde sait bien qu'on ne part pas a priori trois semaines en Israël sans guide, peu sans doute réalisent qu'on ne lit pas la Bible sans guide non plus. Le Père H. de V. a été celui qui a ainsi mené dans leur voyage et leur lecture tous les séminaristes de mon diocèse, accompagnés de quelques jeunes prêtres et de nos responsables. Notre évêque est même venu célébrer une messe avec quelques admissions et institutions : un beau moment de communion tous ensemble autour de lui !
Trois semaines intensives d'étude de la Bible et de pélerinage, du désert du Néguev au nord de la Galilée, du Jourdain au Mont Carmel... nous avons quadrillé ce champ de fouilles qu'est ce tout petit pays : pas plus de superficie que deux départements français ! Notre guide, d'une érudition remarquable, nous a presque assommés sous la somme monumentale d'informations en tous genres, de l'exégèse biblique à la géopolitique orientale la plus récente, tout cela en discutant en hébreu avec tout le monde, rencontrant des amis à tous les coins de rues... Passionnant et intarissable !
Je ferai part à mes lecteurs de deux choses, simplement :
tout d'abord de mon coup de foudre pour Jérusalem, ville trimillénaire posée au milieu des collines au bord du désert de Judée, dans un lieu stratégiquement et politiquement impossible. Une ville voulue par Dieu, fondée par le roi David au début du premier millénaire avant Jésus-Christ, et une ville soutenue dans son existence par Dieu, car indéfendable du point de vue simplement humain. Pensez : entre la ville qu'a connue Jésus et celle que j'ai sillonnée en tous sens, 20 mètres d'épaisseur de décombres se sont entassés en 2000 ans ! Autant de destructions et de reconstructions successives... Une ville sainte pour trois religions, le Judaïsme, le Christianisme et l'Islam, et où les croyants de ces trois religions cohabitent dans un statu quo datant de l'époque de François Ier, absolument inimaginable pour un petit Français comme moi : une ville où retentissent les cloches et les muezzins, une ville où les Juifs en habit traditionnel traversent le quartier musulman pour aller prier au Mur Occidental (dit des lamentations). Une ville où les contrôles de police sont permanents, où l'on trouve des détecteurs de métaux en pleine rue et où le seul moyen de ne pas voir une arme est de fermer les yeux... et pourtant, une ville où l'on vit, où l'on prie, où des gens du monde entier vont et viennent librement dans les souks et les marchés.
Ensuite, une petite anecdote qui m'a fait réaliser la tension effroyable qui mine ce pays déchiré par la guerre depuis que l'humanité existe, point de rencontre inévitable entre les grands empires du Nord et du Sud, route commerciale coincée entre la mer Méditerranée et le désert. A Abu Gosh (j'avoue à ma grande honte que je ne sais pas écrire ce nom) se trouve un monastère bénédictin, auquel se trouve, comme il se doit, accroché un minaret qui lance aux heures dites la prière musulmane de ses multiples porte-voix... on ne s'entend alors plus chanter dans l'église, mais c'est le lot de toutes les églises - ou presque - dans ce pays ! Qu'on ne me parle plus jamais d'un dérangement dû aux cloches, je risquerais de rire au nez du plaisantin qui oserait. Bref... dans cette abbaye, la quarantaine de séminaristes et de prêtres que nous sommes voit débarquer un groupe de jeunes filles charmantes, la vingtaine d'années, petits débardeurs et shorts à fleurs, et... le M16 et les deux chargeurs réglementaires en bandoulière ! Ca fait froid dans le dos. C'était une unité de Tsahal (l'armée israëlienne) qui venait rencontrer un moine catholique, comme tant d'autres le font durant l'année, dans le cadre des activités culturelles de l'armée. Ce qu'elles firent.
A leur sortie, deux ou trois autres séminaristes et moi-même vinmes discuter avec elles ; la discussion fut tout à fait sympathique, comme elle l'est souvent entre jeunes gens de pays et de cultures différentes qui cherchent à se connaître un peu mieux... la seule différence avec toutes mes expériences passées étant les armes posées sur les graviers ou sur les genoux des demoiselles. Elles allaient partir, et nous aussi, quand l'un d'entre nous, ancien officier dans l'armée française, eut le courage de leur dire que, tout de même, voir des jeunes femmes armées lui faisait mal. L'une d'entre elles, un sourire à damner un saint sur le visage, répondit simplement, en nous regardant bien en face : "You know, we live in a crazy country. We have to defend our kind ! Vous savez, nous vivons dans un pays de folie. Nous devons défendre notre peuple / notre race !" Croyez-moi si vous le voulez, mais cette simple réponse m'a mis les tripes en bataille pendant toute la soirée, me faisant réaliser - me mettant en pleine figure, oui ! - la réalité de la vie des gens qui font vivre ce pays, au prix du sang de tant d'hommes et de femmes des deux côtés... s'il y a deux côtés, d'ailleurs, la réalité est tellement plus complexe ! Je ne me permettrais pas de juger qui que ce soit, et je suis bien peu qualifié pour discerner les tenants et aboutissants de la situation si compliquée de cette région... mais j'ai réalisé à cet instant la chance que j'ai de n'avoir jamais eu à toucher une arme de guerre, et de n'avoir jamais eu à m'en servir contre mon prochain pour défendre ma vie ou mon pays. Et la jeunesse de France se plaint de ne pas pouvoir assez faire de shopping...

Ce voyage a été suivi de deux semaines de détente en Bretagne, dans le Finistère Nord, dans un petit coin de paradis, avec pour seul point peut-être un peu refroidissant : la température de l'eau (16°C !). Ceci dit, cela nous évite les touristes et l'odeur d'huile solaire ! Quinze jours de repos, de détente, de temps en famille, de discussions sur la plage avec les jeunes - et moins jeunes - des petites familles qu'on retrouve chaque année, de prière aussi, avec une heure quotidienne d'oraison dans une minuscule chapelle coincée au milieu d'un carrefour, amoureusement entretenue par une bonne âme que je n'ai jamais vue et les offices, matin et soir, face à la mer, la mer si belle, si changeante, si bleue à un moment et si blanche le lendemain, jour de grand vent, si... tout ça. Un temps de ressourcement physique, moral et spirituel, merci Seigneur !

Je passe le si chouette mariage d'amis que je n'avais pas revus depuis quatre ans, les premiers pas de ma chouette filleule bien-aimée, le passage chez les uns et les autres, les rigolades avec les cousines-z-et-les-cousins, la retraite à Notre Dame de Vie, un si beau temps de silence, de calme, de prière, de sommeil aussi... tant de bons moments qui restent de bien beaux souvenirs...
... pour arriver à mes huits jours de formation théorique du BAFA (Brevet d'Aptitude aux Fonctions d'Animateur), que j'ai passés à Paris avec un groupe de 25 autres personnes, de 17 ans à... ça ne se dit plus ! et trois formateurs sympathiques, compétents et avec une pêche impressionnante ! Huit jours crevants, mais riches en enseignements et expériences. Moi qui croyais qu'être anim', c'était du bon temps passé avec des jeunes à faire des activités plus ou moins à l'arrache, j'ai réalisé que c'était une fonction exigeante qui demande une grande humilité, un don de soi quasi total (au moins le temps que durent le séjour ou les activités), une perpétuelle remise en question, un relationnel en béton tant au niveau de l'équipe d'animation qu'avec les jeunes... une vraie école de vie, et de vraie vie ! Une belle expérience, donc, qui me donne hâte d'expérimenter tout cela en stage pratique, avant une nouvelle semaine d'approfondissement pour, enfin, obtenir le précieux brevet. J'en profite pour remercier ceux et celles qui, m'ayant supporté pendant cette semaine, me liraient... on ne sait jamais, tout arrive !

L'été est terminé, retour aux études pour cette quatrième année ! Croyez-moi si vous le voulez, mais je n'ai jamais été aussi heureux qu'en revenant ici ! Vraiment, ce lieu est un lieu de grâces... Merci Seigneur pour cet été, donne-moi la force et la joie de te servir encore cette année durant, pour me mettre un jour, si telle est ta volonté, au service de mes frères comme serviteur de ta Parole et de ton amour pour les hommes !