Les peines :
- devoir me lever encore plus tôt (6h15 au lieu de 6h30 !) le mercredi matin pour dire mes laudes tout seul... et souvent un peu plus vite qu'il ne serait requis, pour peu que j'aie eu un peu de mal à émerger, avant de rejoindre quatre autres séminaristes encore plus endormis que moi pour un rapide petit-déjeûner, souvent plus que rapide pour peu que j'aie eu un peu de mal à émerger,
- rouler jusqu'à la ville où est sis le lycée sus-dit (et non pas "où est lu le délicieux sushi", ou bien "où est dit le lit du déçu Sully") au milieu de conducteurs tous plus pressés et malotrus les uns que les autres,
- devoir faire la discipline à dix-huit élèves tous prêts à parler plus fort que moi, à l'exception toutefois que je leur pose une question et qu'ils l'aient entendue, en essayant de leur parler de ce que dit Noé quand il glissa sur une peau de banane laissée pour la cinquante-septième fois par le mâle du couple de orangs-... de chimpanzés (plus facile à écrire) en trois jours de déluge, et en essayant de pratiquer la même patience que ce cher Noé devant mes dix-huit oran... élèves, disais-je, à qui je fais pour la quinzième fois une demande fort civile mais très ferme de silence...

Cependant, ces peines - d'ailleurs énoncées avec une mauvaise foi soulignée par une énumération sans forme ponctuée de mauvais esprit - sont infiniment compensées par les quelques joies que nous donne cette mission d'évangélisation. Celles, par exemple, de voir mes dix-huit doux et charmants élèves ne pas rien comprendre à l'histoire du peuple juif que je suis en train de leur raconter, et même se rappeler de l'histoire de Moïse (le Prince d'Egypte est un remarquable dessin animé, qui respecte le texte biblique, c'est ma chance !), de voir que l'un d'entre eux a PRIS DES NOTES à mon premier cours et est ainsi capable de me refaire le schéma un mois après au tableau (incroyable, mais vrai !), de réaliser, moi qui n'y aurais jamais cru il y a un an, que mes élèves ne me détestent pas quand je leur serre la vis et les reprends à la moindre incartade, qu'ils m'obéissent quand je leur demande de changer de place, et que, finalement, j'ai un certain plaisir à les revoir deux semaines plus tard, au cours suivant.
Rien à faire, ça vous met un peu de baume au coeur par rapport à cet article de l'année dernière !...
... mais justement ! Peut-être que ma plus grande joie d'hier a été, en sortant de ma deuxième heure dans l'arène, de retrouver quelques-uns de mes anciens élèves qui sortaient de leur propre salle. Ceux-ci, depuis le début de l'année, faisaient mine de ne pas me voir (à moins que... peut-être ne me voyaient-ils vraiment pas, absorbés qu'ils étaient dans leurs discussions ?) quand je les croisais dans la rue ou dans la cour du lycée, ce qui, tout de même, au fond, me faisait un peu de peine, même si je ne m'en formalisais pas : je ne viens pas pour lier amitié avec des lycéens ! Or, joie, hier, ils me virent, et je vis à mon tour six ou sept jeunes gens et jeunes filles, dont certains n'étaient même pas dans l'un de mes groupes l'année dernière, venir me saluer avec le sourire, l'un d'entre eux (pourtant un sacré gaillard) me glissant même furtivement que je lui manquais cette année, tandis qu'une autre me demandait pourquoi je ne faisais pas cours aux premières cette année. Et de descendre les escaliers avec moi jusqu'à la cour...
Je peux dire tout ce que je veux, et même la vérité, à savoir que je viens gratuitement, que je leur fais ces cours pour eux et que je n'attends rien en retour de leur part : il n'empêche, voilà qui me fait grand plaisir et m'encourage ! Je les embête peut-être en cours, mais ils ne me haïssent pas. Ma seule espérance est que je n'oublie pas, et qu'ils n'oublient pas que derrière le séminariste, c'est le Christ qui vient à leur rencontre : prions ensemble, mes chers amis, pour que je sois suffisamment à ma place, et que je lui laisse toute la sienne !